Les Chroniques
sur le comportement de votre toutou

Joëlle
Comportementaliste Canin

Au parc, ma chienne Kissloup et moi jouons, tranquilles. Aujourd’hui, Kissloup est éblouissante, et la complicité qui nous unit amène un homme à nous aborder.
Mr X: Ben ça, alors, où est ce que vous avez fait dresser votre chien?
(aie, ça commence très mal... "faire dresser"? Je n’aime pas beaucoup cette façon de voir... )
Mais non, ce n’est pas un dressage, ce sont des jeux, que je lui ai appris
Mr X: Mais vous êtes du métier, monitrice dans un club, je parie ? où donc?
Non, non, je ne suis ni monitrice, ni éducateur canin, mais par contre, je suis comportementaliste canin.
Mr X: Ha ha! Psy pour chien, j'ai vu ça a la télé! (rires du monsieur) Et dites moi, vous les mettez sur votre divan, et ils vous racontent leur chienne de vie?
(oh... de pire en pire. Mais cette ironie est fréquente, et il appartient aux comportementalistes canins d’expliquer ce qu’est réellement ce métier, ce que je tente de faire)
Un comportementaliste canin n’est pas un « psy pour chien ». Le comportementaliste canin analyse une situation face à laquelle un maître est désemparé. Après avoir écarté toute possibilité de problème médical avec le vétérinaire, le comportementaliste va en tout premier lieu écouter le maître. Il observe la relation, regarde les interactions, les attentes et les motivations, et surtout les éventuels faux sens. C’est en collaboration avec le maître qu’il va rechercher ce qu’il est possible de modifier pour parvenir à une meilleure harmonie. Le comportementaliste canin est bien plus proche de l’interprète !
(Je m’attends à ce que l’homme s’éloigne, mais soit il s’ennuie, soit j’ai commencé à l’intéresser !)
Mr X: Mais il y a déjà les vétérinaires et les clubs canins pour ça ! Quoique, je suis allé à un club avec Titi, il obéissait bien là-bas, mais depuis quelque temps, il n’en fait qu’à sa tête.
Ce ne sont pas les mêmes métiers. Le vétérinaire a souvent une salle d’attente pleine, il peut lui être difficile d’avoir un long entretien avec le maître. Pourtant c’est au cours de cet entretien que souvent va surgir le détail, qui n’a pas semblé important sur le moment, mais qui a en fait une importance fondamentale. En plus, les maîtres attendent trop souvent un miracle du vétérinaire, un médicament qui va tout résoudre.
Au club d’éducation, le but principal est de faire apprendre les ordres de base au chien. Ca se passe souvent en groupe. Les moniteurs sont des bénévoles passionnés, mais encore une fois, ont-ils le temps, et la formation, pour écouter toute l’histoire du chien et de ses maîtres ? Un club canin ne sera pas vraiment adapté dans le cas d’un chien que la vie a déjà bousculé.
Mr X: Mais quelle formation faut-il ?
(La question piège ! J’aimerais lui dire que la formation n’est pas tout, qu’il ne suffit pas d’apprendre, même si c’est indispensable, mais qu’il faut surtout une capacité d’empathie, c’est à dire arriver à se situer autant du point de vue du maître que du point de vue du chien, sans se laisser influencer par ses propres émotions. Tout les livres, toutes les formations ne me serviraient à rien sans cela)
Il faut évidemment des connaissances objectives sur les motivations du chien, la part d’héritage de ses ancêtres, le développement de son cerveau, et la spécificité de ses modes d’expression. Mais en plus, je dirais même surtout, il faut savoir écouter les maîtres, comprendre la frustration sous les mots, dédramatiser, parfois déculpabiliser, expliquer, redonner confiance. Mais il n’y a pas de formation officielle reconnue par l’Etat.
Mr X: Mais alors, n’importe qui peut se dire comportementaliste canin ? Vous par exemple, qu’avez vous fait ?
En fait, je suis ingénieur de formation, grande école scientifique… et 25 ans comme cadre dans l’industrie informatique. J’ai toujours été au support technique, c’est à dire en première ligne pour résoudre les problèmes, entendre même ce que le client omet de dire, n’écarter aucune possibilité. Je ne dis pas qu’un chien soit comparable à un ordinateur… mais je retrouve souvent la même réaction humaine. Dire «mon chien se venge» ou «mon ordinateur débloque», c’est toujours faire de l’anthropomorphisme ! Et dans la grande majorité des cas, il y a une erreur d’interprétation humaine à la base du problème.
Depuis le lycée, je suis fascinée par tout ce qui touche l’étude du comportement (l’éthologie), l’inné et l’acquis, etc. Mettre tout ce que j’ai retiré de mes années de lecture et les compétences acquises dans le cadre professionnel au service des chiens et de leurs maîtres semblait une évolution toute naturelle. Quand mes enfants sont devenus autonomes, je me suis retrouvée avec plus de temps libre pour m’organiser, étudier encore, participer à des groupes, j’en ai profité !

               

               

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